DES QUATRE SOURIRES

C’est l’histoire de quatre sourires, quatre sourires qui se connaissent sans pour autant s’être déjà rencontré…

Et que je n’aurais moi-même pas dû rencontrer.

Je reçois un appel mercredi 7 août :

« J’ai parcouru votre site, ai regardé votre agenda et sais que vous êtes à La Brède ce vendredi ; c’est dommage : nous étions quatre personnes à souhaiter vivre l’expérience de la sortie chamanique ! »

Pourquoi m’appeler alors que mon agenda montre que je suis indisponible ? Sans doute parce qu’il y a toujours des imprévus… Prévus avant l’incarnation et oubliés depuis.

Deux heures après, je reçois un nouvel appel : alors que mon planning devait effectivement me mener à La Brède, comme toutes les trois semaines, afin de rendre visite à ma patientèle girondine, mon déplacement du vendredi 9 août est malheureusement annulé.

Cette modification a fait quatre heureuses !

L’ascension s’annonce compliquée car une arythmie vient contrarier Sourire Crispé. Nous prenons notre temps, admirons le paysage ensoleillé, savourons le calme de ce coin de nature préservé des touristes. Un cri vient pourtant déchirer ce calme ressourçant, un cri au consonances basques, un petit air d’Irrintzina : Sourire Crispé vient de passer un savon aux nœuds qui pressent son estomac et empêchent son chakra solaire de briller.

Le plus difficile est toutefois passé : le premier raidillon qui brûle parfois les cuisses des non-initiés dès le début de la montée est derrière nous ; nous faisons de plus une première halte afin de communiquer avec les arbres, atelier attendu par les quatre Sourires.

Alors que Sourire de Sorcière déniche une improbable grenouille rousse et retrouve une alliée ô combien puissante en la présence de Dame Nature, les sacs sont posés et les règles de la communication distillées.

Je sais que Sourire Timide n’en mène pas large et devine que Sourire Epanoui cache son jeu.

Inévitablement et comme d’habitude, mes amis les hêtres extirpent les premières larmes et appellent les premiers sourires : un vrai bonheur ! La compétition n’existe pas, ni le poids du regard de l’autre ; la seule attente est l’émotion. Sourire Timide le comprend et attend encore son contact avec l’énergie, alors que Sourire Epanoui, déjà collée à un tronc, caresse l’ami qui s’est laissé approcher.

Je me retourne : Sourire de Sorcière commence à se souvenir de qui elle est vraiment ; pieds nus, elle foule l’herbe et les feuilles d’un pas léger, comme survolant la végétation. Oui, c’est ça : elle est légère au milieu de ses amis, à l’aise comme à la maison. Plus à l’aise encore ?...

Quant à Sourire Crispé… Comment dire ? Elle franchit une nouvelle étape…

Nous reprenons notre route.
Sourire Timide pose des questions, Sourire Crispé s’accroche, Sourire Epanoui ouvre les portes énergétiques tandis que Sourire de Sorcière… Mais où est donc Sourire de Sorcière ? Ah oui ! Un coup devant, cinq minutes après derrière, prenant des photos à notre droite, gambadant à notre gauche comme une petite chèvre sautant ici et là, alors que seules les cloches des manechs tête noire se font entendre. Et puisque nous sommes au Pays Basque et que l’Irrintzina a déjà résonné, autant écrire ‘manex’.

Tandis que Sourire Crispé avance, Sourire Timide pose des questions. Pas pour poser des questions. Non. Elle écoute, elle poursuit son ascension mais tout en réfléchissant et en analysant. Elle enregistre et tient compte de ma réponse avant de poser une nouvelle question.

Sourire Epanoui, pendant ce temps, ouvre discrètement les portes, les unes après les autres. Quand elle ne les sent pas, un hêtre est toujours là qui l’appelle et l’attire contre lui. Elle l’embrasse et, surprise, m’entend déclarer :

« C’est bien ! Tu en as trouvé une autre ! »

Elle regarde l’arbre, considère l’espace où elle devine finalement la porte, sourit, regarde à nouveau l’arbre et franchit un nouveau seuil, en silence mais émerveillée.

Sourire de Sorcière sautille, sourit, écoute, entend et pense sans doute au grimoire sur lequel apporter quelques sentiments tout en programmant peut-être un nouvel avenir, fait d’Amour, d’espoir et de Foi, au cœur de la Nature, entre faune et flore : à sa place, en quelque sorte.

Je suis époustouflé par la force et la volonté de Sourire Crispé. Même si je sais qu’elle arrivera en haut la première et qu’elle va vaincre là quelques-uns de ses démons, son courage m’épate. Peu avant, encore dans la voiture, je disais que chacun, moi y compris, part là-haut à la recherche de quelque chose : une réponse, parfois une réponse à une question qui n’a pas encore été posée. Oui, y compris moi : devant l’énergie de Sourire Crispé, j’oublie mon rétrécissement du canal rachidien, mes trois hernies, mon douloureux pincement de ce nerf qui me fait bien sentir mes vertèbres, mon mal de dos général… Oui, j’oublie ! Non seulement je me nourris, mes patients et les personnes qui s’intéressent vraiment à mes activités le savent, des sourires desdits patients, de leurs soulagements, de leurs avancées mais également de leurs maux car comment m’arrêter sur mes petits problèmes devant la souffrance physique ou morale de ceux qui m’entourent ?

Et voilà qu’elle est en haut !

Pendant que je joue avec Sourire Epanoui qui cherche désespérément la dernière porte, la sentant d’un côté mais l’ignorant de l’autre, je devine Sourire Crispé, quelques mètres au-dessus de nous, assise face à l’immensité.

Nous la rejoignons. Je suis tellement fier d’elle ! J’espère qu’elle le sera, un jour, elle aussi.

Un instant de silence, pour apprécier le panorama ; je me remémore que nous sommes le 9 août, qu’il ne fait pas trop chaud, qu’il n’y a pas de touristes et que j’aurais dû me trouver à La Brède…

Je pensais que Sourire Crispé aurait souhaité se désaltérer et se ravitailler ; il n’en est rien : elle est la première à demander le passage dans le cromlech !

Celui qui va l’accueillir m’est désigné et nous avançons d’un pas décidé.

C’est parti ! Larmes, sourires, bien-être, sérénité et paix intérieure. Même si les doses paraissent infimes, elles sont là et Sourire Crispé sent moins la crispation. Sourire Crispé s’ouvre et ses chakras avec.

Elle en vient à oublier son corps qui pourtant à deux reprises lui fera prendre des positions jusque-là impossibles pour elle : la douleur se retire, nouvelle victoire !

Voici que se présente Sourire Epanoui. Je sais qu'elle a déjà reçu des réponses, même si elle ne les a pas commentées. je sais aussi que sa journée s'arrêterait là qu'elle serait riche et positive. Mais il y a l'expériences du cromlech...

Voyage vers ses racines, voyage au-delà de ses racines, voyage intérieur, un voyage qui soulage ; ‘voyage’ rime également ici avec ‘bagages’ (et si je laissais ici ceux qui sont trop lourds ?), avec ‘sage’ (laisser la porte ouverte a plus de connaissances et d’émotions apporte inévitablement plus de sagesse…). Oui, Sourire Epanoui connaît le soulagement offert par un cadeau venu de…

Sourire Timide tergiverse, rit, se cache encore, hésite. Et alors qu’elle me dit qu’elle s’imagine souvent voler, prendre son envol, survoler la Nature, une trentaine de vautours vient la saluer, passant au-dessus d’elle à basse altitude. Je donne une nouvelle fois la définition d’une synchronicité… Sourire Timide est tellement puissante… Si seulement elle pouvait laisser là ses doutes et le poids d’un schéma de croyances ne lui appartenant pas ! Elle… S’élèverait…

Bon, il nous reste Sourire de Sorcière… Elle dort… De quoi rêve-t-elle ? De fées ? De dragons ? D’une bergerie isolée où partager le bonheur avec son amoureux complice ?

Allez ! En route !

Les consignes sont avalées et voilà que l’immensité lui appartient !

Le vent se lève, joue avec ses longs cheveux et certainement avec son cœur enfin léger. Les rafales couchent l’herbe mais redressent son désir d’avancer, de progresser, d’évoluer et réveillent son besoin de spiritualité et de Lumière.

Quelle assurance ! Quelle force ! Sourire de Sorcière a su, a ressenti, a compris et la voici déjà hors du cercle de pierres ancestral. Après quelques mots échangés, je décide toutefois de l’y faire rentrer et de l’accompagner. Je lui souffle à l’oreille quelques demandes à formuler auprès de son Ange Gardien. Le vent, lui, souffle encore plus fort et emporte sa prière dans les cieux où seul brille un nuage aux allures de vortex. 

Tous mes complices sont au rendez-vous pour une énergie rendue exponentielle.

Les affaires sont rangées… Tiens, je n’ai pas mangé… (Quand je dis que je me nourris du bonheur de gens…) Les pieds sont chaussés.

La descente est gaie, chaque Sourire gardant en soi l’émotion d’une joie et d’une belle expérience.

Si la méditation se fait habituellement à l’aller, l’improvisation est venue me rappeler que je l’adore et ne sais rien faire sans elle.

C’est donc sur le chemin du retour que nous faisons halte dans une petite clairière, auprès d’un hêtre isolé et bizarrement plutôt solaire, habitué à ma visite.

Les mots me sont à nouveau dictés, les sourires éclatent et les larmes glissent.
La fête n’aurait pas été complète sans la soudaine intervention de Bom-Bom qui vient rythmer l’ouverture des chakras. Bom-Bom est en harmonie avec la magie des lieux, il pénètre les corps et fouille parmi les émotions oubliées. Il ajoute une note respectueuse vers les temps anciens, vers les familles d’âmes éparpillées ici et là, vers nos guides qui comprennent son langage, vers les esprits de la nature qui nous accompagnent depuis six heures maintenant.

Quelques minutes plus tard et plus bas, nous saluons la hêtraie et la remercions pour son accueil.

Sourire Crispé est rayonnante. La transformation est évidente : Sourire Rayonnant a tous ses chakras ouverts !

Sourire Timide est resplendissante. Quelle avancée ! Que Sourire Resplendissant continue à poser des questions !

Sourire Epanoui a fait le plein d’une puissante assurance. La sérénité qu’elle sent en elle a éloigné la tempête qu’elle n’entendait pas rugir…

Un sacré sourire de sorcière illumine les lèvres de Sourire de Sorcière ! Une sorcière reste une sorcière ! Mais quand la sorcière sait qu’elle en est une… Attention devant : ça va bouger !

J’observe la scène. Les sourires se voient enfin ! Non, ils ne se connaissaient pas vraiment ainsi… Accolades, bises, étreintes, câlins et… Sourires.

Comment ne pas me nourrir de ce bonheur ?

Je jette un dernier regard vers mes amis, là-haut.

En montant, Sourire Timide ne sentait pas l’énergie d'un arbre à vingt centimètres de son tronc ; en redescendant, Sourire Resplendissant l’a sentie à cent mètres…

Comment ne pas fondre de bonheur devant tant de magie ?